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Texte tiré de DUHAMEL DU MONCEAU : l’art du couvreur, imprimerie Delatour, 1766.

Des Couvertures en Bardeau et en Lave

Couvertures en Bardeau.

On appelle bardeau de petites planches refendues, comme le merrain, mais qui n'ont que 12 à 14 pouces de longueur ; leur largeur varie. Quand ces petites planches ont été fendues dans les forêts, on les fait dresser et réduire à 4 ou 5 lignes d'épaisseur par des Tonneliers, qui se servent pour cela d'une doloire ; on fait aussi du bardeau avec des douves de vieilles futail­les : quand le bardeau a été ainsi travaillé, les Couvreurs l’emploient ; ils le clouent sur la latte comme l'ardoise. Mais pour tailler proprement le bar­deau & le mettre de largeur, les Couvreurs se servent d'une hachette, ils le percent avec une vrille pour y placer le clou, sans quoi le bardeau pour­roit se fendre ; ces petites planches s'emploient de la même manière que les ardoises, & font une couverture très propre ; j’en ai vu employer sur des flèches de clochers, & sur des moulins : le bardeau résiste mieux aux coups de vent que l'ardoise ; mais l'eau s'amasse entre le recouvrement, & fait pourrir le bardeau assez promptement, à moins qu'il ne soit fait de coeur de chêne de la meilleure qualité ; 1a légèreté de son poids est un des principaux avantages de cette couverture.

Des Couvertures en Lave, par M. le Marquis de COURTIVRON.

La couverture en pierre plate, qu'on nomme lave, est en usage dans plusieurs Provinces de France : en Bourgogne, en Franche-Comté, en Champagne & en Lorraine. Il y a des districts & des bailliages entiers de ces Provinces où cette matière est commune ; & où l'on voit les maisons des villes, les châteaux, & les églises couvertes de cette pierre : le luxe seul y a introduit des couvertures plus distinguées. Il est difficile de rendre raison de l'étymologie de ce mot, lave. On sait que nous appelons lave, une ma­tière produite par les volcans qui la vomissent à demi-vitrifiée ; elle se porte par le torrent qu’elle produit à différentes distances du foyer embrasé ; & elle retient le nom de lave quand elle est refroidie & figée. Dans les Provinces qui emploient de la lave pour faire des couvertures, on entend par ce mot une pierre plate de différente épaisseur, qui se détache aisément, & qui se tire à découvert des carrières dont elle forme la superficie. J’ai vu des carrières où l'on trouve de la pierre épaisse sous un banc de lave; d'autres fois la lave ne recouvre qu'un roc vif ; d'autres fois encore, un gros sable aplani, dont les assemblages paroissent diversement disposés & inclinés: les Ouvriers disent que dans ces sortes de carrières l'eau court, ou qu'elle a couru; & que c'est pour cette raison qu'on appelle lave ces pierres minces & plates, comme qui diroit pierre lavée.
Mais rien ne paroît moins fondé que ce sentiment, puisqu’on trouve des carrières de lave dans des plaines, & sur des montagnes très élevées, où l'eau ne peut courir ; & quoiqu’il y ait des carrières ouvertes depuis un grand nombre d'années, jamais on n'y a vu d'eau courante, mais seulement quelques eaux pluviales qui s’y rassemblent dans les lieux bas : presque toute la partie de la Bourgogne, qui est connue sous le nom de Bailliage de la Montagne ou de Chatillon, a des carrières de lave dans les lieux les plus élevés. La plaine de Chanceru en est toute couverte.
Quoiqu'on trouve, des carrières de laves dans les lieux les plus élevés, on ne laisse pas d'en rencontrer aussi à mi-côte, & quelquefois même jusqu'au pied des montagnes. Comme cette pierre ne coûte que les frais de la tirer, les ouvriers que l'on emploie s'attachent à n'en prendre que dans les lieux qui leur sont les plus commodes, soit pour le tirage, soit pour le charroi : il n'est cependant pas indifférent de prendre cette pierre au hasard ; nous en dirons les raisons en parlant de son emploi.

Du Tirage de la Lave.

Les Ouvriers qui tirent la lave sont pour l'ordinaire de simples Manœu­vres & Journaliers ; quelquefois aussi ce sont des Couvreurs âgés qui n'ont plus assez de forces pour pouvoir travailler sur les toits. Cependant cette couverture en lave exige moins que toute autre l'intrépidité & le sang froid, dont les Couvreurs doivent être pourvus ; le peu d'inclinaison des toits permettroit presque à ceux dont ce n’est pas le métier de s'y tenir avec assurance. Les Tireurs de lave commencent par faire ce qu'ils appellent un dé­couvert ; ils jettent sur les côtés la terre qui couvre le lieu où ils sont assurés qu'ils trouveront cette pierre ; ils ôtent aussi la pierraille qui en cou­vre la superficie, & les laves pourries par les eaux pluviales ; après avoir enlevé cette superficie, & lorsqu’ils sont parvenus à la bonne lave, ce qui n’excède jamais deux pieds de profondeur, ils travaillent à tirer cette pierre. Les outils qu'ils y emploient sont des plus simples ; un pic à pointe acérée A B (au bas de la Pl. III, fig. 1), & dont la tête B qui est près du manche est trempée; une petite pince C D E (fig. 2 ), longue au plus de 30 pou­ces, dont le talon est relevé, comme on le voit en D ; un pic F G H (fig. 3 ) dont la partie F qui est opposée à la pointe, est une espèce de pioche, large au plus de trois pouces. C’est avec ces outils que le Tireur de lave déta­che ces pierres les unes des autres, en introduisant la pointe du pic à tête, ou celle du pic en pioche entre les joints de chaque pierre ; ou, si elle résiste trop, il se sert de la pince: souvent il paroît une légère empreinte de terre noire, rouge ou brune entre chaque lit. A mesure que le Tireur a enlevé une table de lave, il l'arrange de façon qu'il en forme de petits tas arrondis, ou des espèces de pyramides d'environ 3, 4 ou 6 pieds de diamètre, & de 2 ou 3 pieds de hauteur. Ces pierres se trouvent rangées assez irrégulièrement ; les premières le sont, comme les cartes que les enfants disposent pour commencer à former de petits châteaux ; ensuite ils posent les autres, toujours inclinées à l'horizon, & non à plat: dans cette situation la lave se sèche mieux, le soleil & l'air la saisit plus aisément; & elle devient d'un transport moins dispendieux, quand après avoir été exposée quelques mois à l'air libre on veut la voiturer pour en faire l'emploi. Si le Tireur de laves détache des pièces trop larges, ou trop longues, il les casse avec le pic dont la tête est trempée, après l'avoir posée sur une pièce de bois I K (fig.4). Comme les laves sont de dimensions différentes, on les casse pour les réduire à un pied, dix-huit pouces ou deux pieds de longueur sur, à-peu-près, autant de largeur. La lave ne doit pas avoir au-dessus d’un pouce d'épaisseur ; celle qui l'est le moins a quatre ou cinq lignes ; les autres épaisseurs sont intermédiaires entre celles-là. On pose la lave la plus épaisse sur les murs des égouts, ou sur ceux des pignons pour commencer les rangs, ainsi que nous l'expliquerons quand nous rendrons compte de la manière d’employer cette pierre : la plus mince se réserve pour former les rangs de la couverture qui doivent porter directement sur les bois de la couverture. Avant de parler de l'emploi de cette lave, & des façons que l'ouvrier lui donne, je crois devoir dire un mot de la manière dont on construit les charpentes des toits que la lave doit couvrir.

Manière de construire la Charpente qui doit porter la couverture en lave.

Si un Charpentier est chargé de tailler une ferme pour couvrir un bâtiment en tuiles ou en laves ; dans le premier cas, il donne de hauteur à l'éguille de la ferme, 2/3 de la largeur du bâtiment ; & seulement 1/2 de la largeur, si la charpente doit être couverte en laves. Ainsi, en supposant qu'un bâtiment ait trente pieds de largeur, l'éguille de la ferme de sa char­pente aura vingt pieds d'élévation pour la couverture en tuiles, & quinze pieds seulement pour la couverture en laves. C'est sur ces proportions que, dans toute la Bourgogne les Charpentiers établissent la taille de leur bois dans les différents cas où les particuliers veulent faire couvrir leurs bâtiments soit en laves soit en tuiles. J'ai cependant vu des Charpentiers augmenter un peu la hauteur de 1’éguille pour donner un peu plus de roi­deur & de grâce aux toits ; & j'ai vu des Couvreurs en lave réussir très ­bien à couvrir des charpentes ainsi taillées. Mais pour nous en tenir à l'usage le plus ordinaire, il faut s'arrêter aux dimensions de la moitié de la largeur du bâtiment pour la hauteur de l'éguille.
Les bois qu'on destine aux charpentes en lave, doivent être bien choisis & d'un fort équarrissage: ils consistent, pour faire la communication d'une ferme à une autre, ou d'un des pignons à une ferme, en une sablière posée sur la muraille, & des pannes dont le nombre est plus ou moins grand, à proportion de la longueur de la pente ; mais leur distance de l'une à l'autre ne doit jamais être plus longue que de six pieds, dans la largeur des trente pieds supposés à un bâtiment ; deux pannes de dix à onze pouces d'équarrissage seront suffisantes pour diviser le toit en trois espaces égaux, qui, à cause de l'épaisseur des pannes, ne feront chacun que de six pieds & quelques pouces ; le faîte est la pièce qui va d'une éguille à l'autre de la ferme ou des pignons, dont les éguilles sont élevées & coupées comme les fermes mêmes : la distance d'une ferme à une autre ou d'une ferme à un pignon ne doit jamais être de plus de dix à douze pieds, sans quoi les pannes qui portent tout le poids de la couverture, sans autre soutien, se trouveroient trop fatiguées. La ferme étant montée, & les pannes mises, on pose les chevrons, qui doivent s'étendre depuis le faîte jusques sur la sablière où ils sont arrêtés par des pas taillés dans cette pièce. Nous avons dit que les pannes devoient être fortes : il faut aussi que les chevrons ayent une force proportionnée; la distance entre ces chevrons doit être d'un pied à quinze pouces au plus. Il y en a qui par une mauvaise économie les éloi­gnent davantage : mais alors la latte en lave dont nous allons parler se trouve trop chargée ; elle plie, & le toit devient absolument ondé.
L'espèce de latte qu'on emploie pour la couverture en lave, consiste en des brins de chêne de dix, douze, quatorze ou quinze pouces de circonférence par le pied, & de douze à dix-huit pieds de long. Le Charpentier, après les avoir superficiellement écarrés de deux faces, les fend dans toute leur longueur ; le rond ainsi divisé forme deux lattes ; il les attache en travers sur les chevrons avec des clous, ou plus ordinairement avec des chevilles de bois, & alors toute la charpente se trouve lattée. La seule­ attention qu'il faut avoir, c'est que le Charpentier ne latte pas trop large, qu'il ne mette pas ses lattes à la distance de plus de trois à trois pouces & demi l'une de l'autre, & qu'il ait attention que les bouts des lattes portent toujours sur la muraille du pignon & sur les chevrons sans laisser les bouts porter à vide, ce qui tôt ou tard attireroit la ruine de la couverture ; les bois ainsi disposés la charpente est prête à recevoir la lave, & à permettre au Couvreur en lave de s' y occuper.

Préparation que le Couvreur en Lave, donne à la Lave avant de l'employer.

La lave sort brute des mains de l'ouvrier qui la tire. C'est une pierre plate & mince, de forme tout-à-fait irrégulière, terminée par des lignes différemment inclinées entre elles ; c’est en cet état qu’on la charie au pied des charpentes & des maisons que la lave doit couvrir ; on la range au pied des bâtiments en monceaux, comme elle avoit été rangée à la carrière. Si on mettoit la lave à plat, elle seroit cassée en morceaux par le poids des laves qu’on mettrait sur les laves inférieures. Les couvreurs savent apprécier assez précisément la quantité de voitures qui leur est nécessaire par toise. Nous en dirons un mot ailleurs en parlant du prix auquel peut revenir, suivant les différents lieux la toise de cette espèce de cou­verture. Quand la lave est arrivée au pied des murailles, le couvreur trie celle qui est la plus épaisse. Il la taille avec un outil qu’il appelle hachotte qui est représenté fig. 6; cet outil a d'un côté la forme d'une petite hache à main qui n’est point tranchante, & de l'autre un marteau peu lourd, dont le poids est cependant suffisant pour casser les bavures des laves & abattre les angles qui rendroient la lave trop inégale. On voit cet outil P Q, fig. 6 : il est emmanché d'un morceau de bois d'environ dix-huit pouces. Les laves que le Couvreur, taille à terre font seulement celles qu’il doit employer directement sur les murailles : il les appelle gouttières & doubles gouttières. On dira bientôt quelle est la distinction des unes & des autres, en parlant de la façon dont l'ouvrier travaille ; quand il a taillé de ces laves épaisses ce qu’il lui en faut pour faire deux rangs chacun de la longueur du bâtiment qu'il a à couvrir pour chaque muraille, il fait monter la lave ; & ce n'est que sur la charpente du toit, qu'il taille, au moyen d'un ou de plusieurs coups de marteau ou de hachote, les laves qu'il doit employer, lorsqu'il est nécessaire de les redresser , & à mesure qu’il doit les employer. Pour monter la lave, on dresse contre la muraille une échelle inclinée au point de pouvoir être soutenue de deux ou trois étais ou bois de bout ; alors dix, douze, ou quinze personnes plus ou moins, suivant la hauteur du bâtiment, montent sur cette échelle, en se tenant à la distance nécessaire l'une de l'autre, pour que celle qui est au-dessus puisse prendre les laves à mesure qu'on les livre, de la manière que nous allons le dire. Un Couvreur se tient au bas de l'échelle, & un autre couvreur sur le toit. Le premier choisit les laves qu'il veut faire monter ; & celui qui est sur le toit les arrange comme il les reçoit, & suivant l'intention du couvreur qui les livre à un manœuvrier qui est sur l'échelle: celui-ci met sur sa tête la lave qu'on vient de lui remettre ; un autre manœuvre qui est le plus voisin, la prend & la tend de main en main, & ainsi de suite jusqu'en haut : alors le couvreur qui est sur le toit pose en premier lieu les gouttières & doubles gouttières sur les murailles, & il remplit ensuite l'entre-deux de chaque latte de laves, en les lardant pour ainsi dire entre deux. Quand la charpente est fort haute, le couvreur est obligé d'employer un ou deux ouvriers ou manœuvres Couvreurs sur le toit pour conduire la lave jusqu’au faîte, & la placer, ainsi que nous l'avons dit, entre deux lattes, de façon qu’elle y soit assujettie. Une attention nécessaire en montant la lave, c'est de charger également chaque côté du toit ; sans cela, comme cette espèce de couverture est fort lourde, il pourroit arriver qu’un des côtés de la charpente, après avoir été chargée, fit reculer le côté opposé; aussi les Couvreurs intelligents qui emploient la lave, après avoir chargé le toit de la charpente d'un côté, chargent le côté opposé aux deux tiers ; ils finissent alors de charger le premier côté, & remplissent ensuite tout-à-fait le second. Tout étant préparé, le Couvreur est prêt à s'employer & à couvrir le bâtiment.

Manière dont le Couvreur employe la lave pour former le toit.

Nous avons parlé des laves taillées que le couvreur appelle gouttières, doubles gouttières & arrière-gouttières. Voici l'usage de la double gout­tière : elle sert au Couvreur à pouvoir avancer la lave qu’il appelle gout­tière, de quelques pouces de plus qu'il ne pourroit le faire, s'il ne mettait pas la double gouttière. Les murs bien faits ont toujours un certain talus insensible ; si le Couvreur en lave n'avoit soin par l'usage de l'arrière-gouttière d'avancer la lave qu’il appelle gouttière le plus qu’il lui est possible, la pluie, l'eau de la neige tomberoit sur la muraille, & pourroit la dégrader ; il pose donc d'abord sur la muraille la pierre qu’il appelle double gouttière ou arrière- gouttière, il la fait avancer de trois à quatre bons pouces ; & c’est sur cette arrière-gouttière qu'il pose la gouttière en l'avançant le plus qu'il peut ; l'arrière-gouttière sert de bras d'appui à la gouttière même. Le Couvreur, pour aligner la double gouttière & la gouttière, se sert de deux bâtons ou fiches de fer dont chacun est fixé au bord de la muraille, & il tend par leur moyen un cordeau parallèlement au mur, ayant soin de suivre cet alignement. Dès que le Couvreur a posé ses gouttières & employé sur la muraille les laves les plus épaisses & les plus lourdes en formant ses rangs tout de suite, & les couvrant chacun avec une petite retraite de deux ou trois pouces, il emploie, pour former les rangs supérieurs jusqu'au faîte, les laves qui sont entre les lattes, & dont il a chargé la charpente ; il les taille à mesure d'un petit coup de hachote ou de marteau ; il suit, pour l'aligne­ment, chacun des rangs, dont le premier seul a été aligné au cordeau ; il a soin seulement que le joint de deux laves tombe toujours à-peu-près sur le milieu de la lave inférieure, c'est-à-dire, qu'il évite que le joint de deux laves du rang supérieur corresponde au joint de deux laves du rang infé­rieur, & il continue sa couverture ainsi jusqu’au faîte. La lave est mise à plat sur les lattes, elle y tient par son propre poids, rien ne l'arrête que la pesanteur des rangs supérieurs dont la sienne même est chargée. Quand il est question de finir la couverture quand on est arrivé au faîte, le Cou­vreur met alors à plat sur la réunion des deux côtés du couvert deux rangs de laves : c’est ainsi que se fait le faîtage, des maisons de paysans, des granges & des bâtiments de campagne ; mais les particuliers qui sont plus soigneux de la conservation de leurs bâtiments, emploient des faîtières de tuile comme aux couvertures en tuile ; on les assujettit en les posant sur un bon lit de mortier. J'ai vu encore qu’il m’a réussi de faire les faîtières de pierre de taille larges de dix ou huit pouces & grossièrement arrondies ; supérieurement posées à mortier ou à ciment au-dessus de la réunion des deux parties du toit ; cette façon est peut-être la meilleure dans les lieux où la pierre de taille n’est pas trop chère. Quand on s'en tient à ne terminer le faîte que par une simple lave, comme elle est petite & par conséquent peu lourde, les pigeons, les gros oiseaux, les vents impétueux peuvent plus aisément dégrader le faîte, & c’est assez généralement par cet endroit qu’il se forme des gouttières sur les bâtiments qui sont couverts en laves. Une attention qu'on doit apporter quand on fait couvrir un bâtiment, comme celui que nous avons donné pour exemple, composé de deux murs de gout­tières & de deux pignons, c’est de faire observer au couvreur de pousser les laves qui couvrent le pignon de quelques pouces au-delà du pignon. Cette précaution empêche le pignon d'être abreuvé, ce qui arrive quelquefois quand la couverture ne vient qu'à fleur & à rase de la muraille du pignon. Quoique nous ayons donné pour exemple le bâtiment le plus simple, il n'y en a aucun qui ne soit susceptible d'être couvert en lave ; les tours même d'Eglise rondes & quarrées, les clochers, les pavillons de toute espèce, pourvu qu'ils soient solidement bâtis, & que les charpentes soient construites de bois sain & d'un fort équarrissage, peuvent être couverts de cette façon, & le sont avec beaucoup d'avantage tant pour la sûreté des bâtiments que pour l’économie de la dépense.

Avantages de la Couverture en lave.

La couverture en lave, quand elle est bien faite & nouvelle, a l’apparence de celle en tuile rouge ou brune suivant la couleur de la lave employée ; en vieillissant, elle prend un ton de couleur plus ou moins rembruni, & quant au coup d'oeil & à l'agrément, il n’y a qu'une différence médio­cre entre cette couverture & celle en tuile ; mais la couverture en lave ne craint aucun des accidents auxquels celle-ci est sujette : la grêle, les ouragans, les vents n'ont que trop fait sentir aux propriétaires des bâti­ments couverts en tuile, combien ils ont de dommages à réparer ; le poids de la couverture en lave garantit les toits de la prise des vents, & la résistance de cette pierre à la grêle la plus violente ne laisse de ce côté aucune prise sur elle. Si nous considérons la diminution de la dépense dans le prix de la couverture, nous y trouverons un avantage qui ne sera pas moins marqué ; dans beaucoup de lieux, le prix de la toise quarrée de la couverture en lave n'excède pas deux livres dix sols, à trois livres ; & encore la toise de Bourgogne est-elle de sept pieds 1/2, ce qui fait cinquante-six pieds un quart, cela est bien différent de la toise de Paris, qui ne comprend que trente-six pieds quarrés. On paye le Couvreur en lave sur le pied de trente sols par toise ; & en beaucoup d'endroits il fournit encore la lave pour ce prix. On paye, pour faire monter la lave, un sol par heure aux femmes qui la montent & qui sont placées de distance en distance sur l'échelle. A l'égard du charroi, il varie suivant le plus ou le moins de distance, la difficulté des chemins, & la cherté des fourrages dans les lieux de passage ; mais, en général on peut- assurer que dans les lieux où la lave peut s'employer la toise de couverture, le charroi compris, ne revient jamais au plus cher qu'à six livres, & qu'elle est même en un plus grand nombre d'endroits d'un prix moyen entre trois livres & six livres. Les Couvreurs comptent qu'il faut par chaque toise trois voitures de laves charriées par des chevaux de paysans de médiocre grosseur ; le Charretier fait son prix à la toise qu'on ne lui paye quelquefois que vingt sols.
La couverture des murs de clôture se paye sur le pied de la toise quarrée, & l'on compte ordinairement trois toises courantes de mur pour une toise quarrée.
Ce que nous venons de dire de la médiocrité du prix de la couverture en lave pour les lieux où on peut l'employer, paroîtra encore bien plus frappant si I’on fait attention à la longue durée de cette espèce de Couverture. Il est ordinaire de voir des bâtiments couverts depuis soixante-quatorze ans, & sur lesquels il n'y a encore nulle réparation à faire. J'en connais plusieurs que je suis assuré qui ont été couverts il y a près d'un siècle sans qu'on ait été obligé d'y toucher. La qualité de la lave contribue beaucoup à cela, dans les lieux où elle est d'une excellente qualité, où elle ne peut point être attaquée par la gelée, où on ne l'a employée qu'après une entière dessiccation ; au contraire, dans les lieux où la lave se pourrit, ou que la gelée attaque, il faut renouveler cette couverture quelquefois au bout de trente ou trente-cinq ans ; mais dans ce cas, & c'est même le plus défavorable, on n’est obligé de charrier & de rapporter qu'environ un tiers, au plus une moitié de nouvelle lave. Ainsi, en comptant tout, un parti­culier qui est chargé de l'entretien de cent cinq toises de couverture ne sera obligé que d’en réparer trois toises par an, en supposant toutefois qu'il n'arrivera pas d’accidents extraordinaires & imprévus c’est-à-dire, qu’il lui en coûtera tout au plus, suivant les lieux, depuis neuf jusqu’à dix-huit livres par an pour l'entretien de cent cinq toises de couverture. Il faut con­venir que les couvertures en lave exigent une charpente plus forte, & des bois bien choisis; mais l'excédent de cette dépense ne peut entrer en compensation avec l'économie & la sûreté des couvertures faites avec la lave.

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